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Voltaire dénonce l’édition pirate de son ‘Essai sur les mœurs et l’esprit des nations’

François-Marie Arouet Voltaire (Paris, 1694/1778)
Ecrivain.

Type de document : Lettre signée avec une ligne autographe

Nb documents : 1 - Nb pages : 2 pp. 1/2 - Format : In-4

Lieu : Colmar

Date : 13 août 1754

Destinataire : le président Charles-Jean-François Hénault (1685-1775), écrivain et historien

Etat : Bon

Description :

Importante lettre de Voltaire, signée "V" avec une ligne autographe, écrite de Colmar. Il dénonce l'édition clandestine de son Essai sur les mœurs et l'esprit des nations.

[Essai sur les mœurs et l'esprit des nations est une œuvre de Voltaire, publiée pour la première fois dans son intégralité en 1756. Cette œuvre monumentale, qui comporte 197 chapitres, est le résultat d'une quinzaine d'années de recherche effectuées par Voltaire. Il aborde l'histoire de l'Europe depuis Charlemagne jusqu'à l'aube du siècle de Louis XIV, en évoquant également celle des colonies et de l'Orient.

Un premier manuscrit est envoyé au roi de Prusse en août 1742, suivi d’un second en novembre de la même année. Ils sont aujourd’hui perdus. D’avril 1745 à juin 1746 paraissent dans Le Mercure de France unNouveau plan d’une histoire de l’esprit humain et plusieurs chapitres épars. Une Histoire des croisades est publiée dans la même revue de septembre 1750 à février 1751. Après la publication du Siècle de Louis XIV en 1751, et la brouille avec Frédéric II en mars 1753, paraît en décembre 1753 chez l’éditeur Neaulme à La Haye un Abrégé de l’histoire universelle depuis Charlemagne jusqu’à Charles-Quint par Mr de Voltaire, aussitôt piraté. Non seulement cet Abrégé a été imprimé d’après une ancienne version manuscrite volée, mais il est volontairement modifié pour inclure des passages polémiques. Voltaire réussit à convaincre de sa bonne foi, et met en chantier la première édition complète, qui paraît en 1756, chez Cramer, à Genève, sous le titre d’Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs et l’esprit des nations depuis Charlemagne jusqu’à nos jours.]

"Permettez que je dicte cette lettre, mon cher et illustre confrère, comme j'ai dicté presque tout le livre que j'ai l'honneur de vous envoïer. Je pourrais vous traiter comme l'Electeur Palatin, et en appeler à votre témoignage aussi bien qu'au sien, sur les infames éditions qu'on a faites des deux premiers volumes. Vous n'auriez pas refusé de m'écrire, ainsi que ce Prince, que le public me devait plus de justice. Mme la duchesse de Saxe-Gotha, et le roi de Prusse lui-même, qui ont mon manuscrit depuis longtemps , m'ont écrit la même chose [...]". Voltaire évoque les passages qui ont été tronqués et s'en indigne. "Mais qui doit être plus convaincu que vous de la manière indigne dont on a tronqué ces deux tomes, vous qui avez eu la bonté de citer dans votre livre page 62 l'éloge du Pape Léon IV que vous aviez trouvé digne de votre attention dans mon manuscrit, il y a près de quinze ans? Comment aurais-je pu supprimer ce morceau que vous aviez consacré? Si vous pouvez garder encor quelque souvenir de mon ancien manuscrit, vous vous rappellerez qu'il est cinq ou six fois plus considérable que ce qu'on a eu l'insolence de donner sous mon nom. Il est public à présent que c'est un nommé Rousset, le compilateur des traités de Paix, qui a publié cette édition subreptice, dont je me suis plaint avec tant de justice, et avec si peu de fruit. Ce malheureux a tronqué et défiguré mon manuscrit, comme il a voulu : tout le monde sait qu'il l'a vendu à un libraire de La Haye nommé Jean Néaulme. Voilà le brigandage qui s'exerce aujourd'hui dans la république des lettres; brigandage digne des La Beaumelle, et des Desfontaines. Mais si l'imposture me nuit, elle ne décidera pas du moins de ma réputation. Je ne demande qu'une année de vie pour donner tout l'ouvrage tel que je l'ai fait, et j'ose dire tel qu'il mérite de paraître [...]".

Voltaire a ajouté de sa main: « Madame Denis vous fait mille compliments. V. »

Lettre publiée dans la Correspondance de Voltaire (Besterman 5253 et D5905)

Provenance : vente Hôtel Drouot, 19 oct. 1994

5500,00

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