REF: 13566

Violent texte d’Aragon de 1944 contre le préfet Angeli et la collaboration

Louis Aragon (Paris, 1897/1982)
Poète français, proche du Dadaïsme et du Surréalisme.

Type de document : manuscrit autographe signé

Nb documents : 1 - Nb pages : 1 p. 1/2 - Format : In-4

Lieu : Sans

Date : [décembre 1944]

Destinataire : Sans

Etat : bon

Description :

Texte d'une chronique d'Aragon pour son journal Le Soir. Intitulée "Parlons français", elle est signée de son pseudonyme "François La Colère".

"Pendant quatre ans, des hommes ont trahi la France. Ils siégeaient dans les conseils de Vichy, ils administraient nos villes, rançonnaient nos campagnes. Ils étaient revêtus des signes de la dignité qui commande, ils usurpaient le langage et le drapeau de la France. Ce n'était pas des enfants, et qu'ils fussent commandés par un vieillard n'excuse en rien ce qu'on voudrait aujourd'hui donner pour de l'aveuglement.

L'un d'eux était préfet de Lyon. Sous son autorité, la police au service de l'ennemi, traquait les patriotes dans cette ville que le Général de Gaulle a appelée la capitale de la résistance. Il vient d'être condamné à mort, devant le tribunal régulier, par un jury français.

Or voici que, dans le journal du matin, un éditorialiste qui est un écrivain distingué [Wladimir d'Ormesson], prend la défense de ce préfet. Ce préfet, dit il, n'est pas un traître, car aucun acte de trahison caractérisé n'a été retenu contre lui. Mais un peu plus loin il ajoute "qu'Angeli préfet sévère, se conformait aux directives de Vichy". Ces directives, cette sévérité dans l'application de ces directives, ce n'est pas de la trahison caractérisé? [...] Lui dirai-je que je crois qu'il se trompe s'il se croit lié par la vérité et la reconnaissance à venir ainsi apporter son témoignage? Moi aussi, j'ai reçu (et d'un lieutenant de police, pour ma part) un avis indirect de même genre, m'avisant des intentions de la gestapo à mon égard. Nombreux sont dans la Résistance les hommes qui ont reçu de semblables avis. Mais, en fait, c'était toujours des hommes comme nous, je veux dire des écrivains, des gens d'une certaine notabilité... Le menu fretin des Patriotes, lui, on ne l'avisait de rien. Car il s'agissait pour ces préfets, ces intendants de Police, ne nous y trompons pas, de prendre une assurance sur l'avenir [...]. Il ne manquera pas de gens pour me désapprouver. Moi, je désapprouve M. Wladimir d'Ormesson".

[Alexandre Angelli (1883-1962) fut préfet du Rhône de 1940 à 1944 ; condamné à mort le 2 décembre 1944, un second procès en 1946 le condamnera finalement à quatre ans de prison].

Ecrit au dos de deux feuillets à l'en-tête du quotidein Ce Soir.

Vendu