REF: 13966

Très important manuscrit de Jean Jaurès sur le socialisme en réaction à son interdiction de venir à Berlin.

Jean Jaurès (Castres, 1859/1914)
Homme politique socialiste, fondateur de l'Humanité, assassiné en juillet 1914 par Raoul Villain.

Type de document : manuscrit autographe signé

Nb documents : 1 - Nb pages : 16 - Format : 36 x 22,5 cm

Lieu : Sans

Date : [7 juillet 1905]

Destinataire : Sans

Etat : Quelques rousseurs à la pliure de la 1ère page, taches d'encre

Description :

Très important manuscrit de Jean Jaurès, intitulé « La peur du socialisme », publié dans L’Humanité du 7 juillet 1905. Il commente l’interdiction qui lui a été faite de venir prononcer un discours à Berlin.

Le problème qui existait entre socialistes français et allemands résidait dans le fait que les Allemands restaient méfiants face à l’assertion réitérée de Jean Jaurès selon laquelle la France ne ferait la guerre que pour la défense de son sol. Jaurès avait prévu de le dire dans le discours qu’il devait prononcer à Berlin en juillet 1905, après la crise de Tanger. Mais cette manifestation fut empêchée à la suite d’une intervention du chancelier Bülow lui-même qui, par l’intermédiaire de l’ambassadeur du Reich à Paris, demanda à Jaurès de renoncer à faire le voyage.

En réaction, Jean Jaurès écrivit cet article, qui fut publié par L’Humanité le 7 juillet. Deux jours plus tard, L’Humanité profita du scandale pour publier en une ce « discours interdit ». Jaurès y exprimait une de ses convictions essentielles, à savoir la nécessité pour les prolétaires unis de combattre le spectre de la guerre. La guerre n’étant qu’une émanation du système capitaliste, on pourrait à la longue arriver à la réduire tout comme les socialistes avaient réussi, en partie déjà, à limiter les ravages du système capitaliste pour l’émancipation de l’ouvrier.

"Le communiqué diplomatique par lequel le chancelier de l’Empire allemand interdit la réunion de Berlin est un des signes les plus décisifs de la croissance du socialisme, de la valeur grandissante de son rôle national et international. Plus le Chancelier allemand, en des formes courtoises, reconnait le tact et l’esprit de mesure du socialiste français qui devait prendre la parole, plus il laisse apparaitre l’inquiétude dont, devant le socialisme même, sont saisis les gouvernements qui se croient et se disent les plus forts. Il ne s’agissait pourtant pas là d’une attaque directe et particulière contre les instituions de l’Empire, mais d’une affirmation de paix qui dominait toutes les institutions gouvernementales. Mais parce que cette affirmation de paix procédait de la pensée socialiste, elle a paru intolérable. [...] Cette interdiction même prouve la force de l’Internationale Prolétarienne dont on ne peut plus arrêter l’action que par des coups de force. Et les hésitations aussi du gouvernement allemand depuis plusieurs jours sont significatives. Ses incertitudes se reflétaient dans les variations d’une partie de la presse [...].

Que vont dire nos réacteurs de la façon dont le Chancelier de l’Empire traite les socialistes allemands ? [...] Voilà à quelles extrémités se laissent acculer les gouvernements qui se refusent à la nécessaire évolution sociale. Ils en arrivent, en haine du socialisme, à dénoncer comme une classe de trahison la grande classe productive cet immense prolétariat ouvrier qui est la force et aussi la lumière des nations modernes. Cette sorte de mise au ban de la nation prononcée par le gouvernement impérial contre toute la classe ouvrière allemande aura-t-elle pour effet d’accroitre en Allemagne et dans le monde le prestige de l’Empire ? Ce serait la plus dangereuse entreprise si ce n’en était la plus vaine, de priver le monde, si troublé aujourd’hui, de la force de paix que contient le prolétariat international. Cette force de paix, elle s’exercera malgré les interdictions gouvernementales. C’est déjà un signe excellent que l’unanimité avec laquelle le prolétariat allemand et le prolétariat français approuvaient la réunion socialiste de Berlin. Cette communication des esprits et des volontés demeure malgré les timides précautions des chancelleries. Et ce ne sont pas seulement les prolétaires, ce sont tous les hommes épris de paix internationale et de sagesse qui seront sévères pour tous les gouvernements d’autorité qui répriment les manifestations contre la guerre. Le parti socialiste européen, devenu ainsi le seul parti efficace et agissant de la paix, recrutera par millions de nouveaux adeptes. [...] Ce n’est pas comme citoyen de France, c’est comme socialiste, c’est comme compagnon de lutte des socialistes allemands que le Chancelier de l’Empire m’écarte des réunions populaires allemandes. Le socialisme international ne connaît point les puérils dépits : il est sûr de son œuvre et de l’avenir [...] ».

Très beau et spectaculaire manuscrit.

Quelques corrections.

Vendu