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Superbe correspondance de 10 lettres d’Elsa Triolet

Elsa Triolet (Moscou, 1896/1970)
Femme de lettres, prix Goncourt (1944), épouse d'Aragon.
Louis Aragon (Paris, 1897/1982)
Poète français, proche du Dadaïsme et du Surréalisme.

Type de document : lettres autographes signées

Nb documents : 10 - Nb pages : 23 - Format : In-4

Lieu : Autheuil-sur-Eure, Kurhaus, Zurich et Saint-Arnoult-en-Yvelines et sans lieu

Date : 1948-1969

Destinataire : [Léon Moussinac (1890-1964) et son épouse Jeanne Lods]

Etat : bon

Description :

Très belle correspondance à ses grands amis Jeanne et Léon Moussinac, sur plus de vingt ans (l'une est co-écrite par Aragon).

- "Le vieux logis", Autheuil-sur-Eure (Eure), 26 juillet 1948. "[...] Ici, le paradis ne se dément pas. On ne peut pas être mieux. Une grande maison vide et confortable et fraîche, avec un couple dans le bout - lointain - le jardinier et sa femme qui nous enlèvent tous les soucis domestiques, entièrement. Un jardin-pelouse qui s'en va vers une petite rivière, de grands arbres tout autour et des fleurs. Pas de moustiques. Personne pour vous voir, pour vous parler. Une solitude totale. Le petit pays est à cinq cents mètres, et on n'y va jamais. Avant qu'il n'ait commencé à faire chaud, nous avons fait des grandes promenades, à plat! comme j'aime... il y en a dans tous les sens, à travers champs, prés et bois... Et nous travaillons comme des possédés, le temps file [...]. Excusez cette écriture de travers, j'écris à en avoir la crampe, jour et nuit [...]. Je ne peux pas songer sans frémir aux assassins qui veulent vous prendre votre maison [...]".

- "Samedi", s.l.n.d. "[...] Quelle pagaille hier! La dame qui oublie son texte c'était le comble. Enfin, son désespoir était tellement dans la note, que j'ai pris d'abord son silence pour une pause, j'ai même commencé à entendre la musique! [...]"

- Lundi, 18 juillet [1949]. "[...] Hier j'ai passé la journée à nous installer, et Louis à faire un immense poème que vous verrez dans "Ce Soir". J'ai mis le lit, la tête au mur de la terrasse, pour qu'il soit "de milieu", la petite table bleue avec radio et lampe à droite ; j'ai descendu le tule, cuvette et broc, dans la pièce du bas, suivant le conseil de Léon [...]. Le ravitaillement est en train de s'organiser ; j'ai demandé à Suzanne de ne venir qu'à quatre heures, mes nerfs exaspérés, trop heureuse d'une solitude complète. Je suis horriblement fatiguée, la tête vide, les jambes molles, je recule devant le petit article à écrire et même dormir, c'est du travail [...]. Louis est hirsute. J'ai oublié son rasoir électrique - première fois que pareille chose m'arrive! C'est Renaud que nous avons rencontré avec Gilberte à la gare de Brive qui a télégraphié à Paris pour que notre dame Jacquemain l'envoie. Ils étaient venus chercher Kanapa, qui a été dans le même train que nous, mais a préféré, en mufle congénital, faire son voyage, sous prétexte de 3ème classe, sans nous parler [...]".

- 29 juillet 1949. Longue lettre écrite de la maison prêtée par les Moussinac, dans le Limousin. "[...] Louis travaille à son roman [Les Communistes]. Toute la journée. Sauf pour les heures - en plein soleil! passées à arranger le petit caniveau qui descend des trois marches en ciment vers la porte du jardin [...]. Le reste du temps, je traduis du Maïakowski, casse-tête chinois, puisque j'essaie pour une fois de maintenir le rythme comme s'il s'agissait de paroles sur un air donné, et de rimer. Même si je m'en sortais pour ce premier poème, je ne continuerai pas ce système, il me faudrait un mois par page, et une vie n'y suffirait pas. La maison est bien confortable, douce et plaisante. On travaille un peu partout, sur le lit, dans les fauteuils, sur la terrasse et dans le jardin. Le temps file... Renaud, Gilberte et Kanapa sont venus déjeuner, apportant tout le manger et du vin vieux qui reste pour vous dans la cave. Ils partent pour le Vercors ; nous, nous avons reculé devant les 550 km dans le soleil, sur des routes tournantes [...]".

- Dimanche 14 juillet [1949]. Autre longue lettre co-écrite par Aragon. Elle dresse un bilan de ses vacances dans la maison prêtée par les Moussinac. "[...] Nous prenions notre petit déjeuner sur la petite table près de la porte de la cuisine, et seulement les deux derniers jours sur la table en fer, au soleil. C'est là, en plein soleil, que Louis travaillait, sans chemise, pour brûler - et il a très bien réussi, il rentre à Paris, marron comme il se doit [...]. J'ai perdu deux kilos quand même, juste comme le docteur me l'avait prescrit - 300/400 gr. par semaine. Je ne sais pas si cela va continuer avec le voyage en perspective. Je ne sais pas du tout comme les choses vont se passer en général, depuis que le Polonais s'est dégonflé... Il y a, paraît-il, un Congrès de la Paix à Moscou le 25 août, cela serait peut-être intéressant d'y aller bien que ce soit un congrès national. Tout ceci ne pourra se décider qu'à Paris, toujours est-il que je n'éviterai pas l'avion... [...]. Je laisse le numéro spécial avec le poème de Louis "Bonsoir Thérèse", déjà composé ; un numéro de "Regards" arrivé à votre nom. Louis est en train d'arracher les orties et de laver les trois marches du jardin, pour le reste, on le laisse tel quel [...]. Jean Lurçat nous a dit de vous prévenir qu'il sera dans ses tours jusqu'au 25 août".

Louis Aragon prend alors la plume. "Triste, mes chers petits, de ne pas vous voir. J'ai fini (pour ce qui est de moi) le bouquin. Mais Maurice rentre le 20 et ce n'est pas trop d'ici là pour que tout soit tapé. Surtout que le manuscrit est plus gros que le premier. Il faut que tout soit fini pour la fin du mois, remarques, corrections, etc. Et je ne reverrai pas d'épreuves pour que le livre sorte à temps [...]".

- 9 septembre 49. "Nous partons cet après-midi pour Moscou via Prague [...]. Nous pensons rentrer vers le 5 octobre [...]".

- 5 juillet 1961. "[...] Louis écrit, écrit, écrit. Des choses pas drôles - il est en plein dans le procès. Moi je me contente d'être malade sans discontinuer, et à me battre avec les médecins. Je traduis, comme on fait du tricot [...]. A moins qu'il n'arrive quelque chose de vilain - entre mes yeux, mes jambes et mon ventre! Je ne suis pas très rassurée [...]".

- Kurhaus, 13 juillet 1964, après la mort de Léon Moussinac. "Ma petite Jeanne, quand on est dans le malheur on pense à ceux qu'on aime, avec qui on sent de même. C'est une grande catastrophe qui s'abat sur nous [...]"

- Zurich, 15 août 1968. De Suisse "pays béni", "j'ai été très bouleversée par les attaques symptomatiques contre Lili. Il y a eu là-bas de très nombreuses protestations sous forme d'articles, de lettres, etc. Et rien de tout cela n'a été publié, bien que oralement on ait regretté la parution de ces articles (les deux suivants, trois en tout) par deux fois censurés et imprimés néanmoins! [...]".

- Moulin de la Villeneuve, Saint-Arnoult-en-Yvelines, 3 août 1969. Sur ses ennuis de santé. "[...] Or, assez soudainement, des crises cardiaques de plus en plus fréquentes ont rendu impossible tout effort. Un médecin est venu de Paris. Me voilà réduite à une semi-immobilité. Les gardiens sont rentrés, c'est déjà ça, mais aucun de mes, de nos projets, n'a pu se réaliser [...]. J'étais si malheureuse de ne pas vous téléphoner - le téléphone ici est un instrument de torture [...]".

L'une est cérite sur un papier vert.

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