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Rare et importante lettre du cinéaste Jean Vigo sur sa rencontre avec Germaine Dulac et son mariage

Jean Vigo (Paris , 1905 /1934 )
Réalisateur français.

Type de document : lettre autographe signée

Nb documents : 1 - Nb pages : 2 pp. 1/2 - Format : In-4

Lieu : Nice, Villa, « Les deux frères »

Date : 18 décembre 1928

Destinataire : "Madame" [de Saint-Prix]

Etat : Bon

Description :

"Je vous remercie bien tardivement. Lydu [son épouse Lydu Lozinska (1906-1939)] et moi, nous avons, ces derniers temps, vécu comme des fous : à courir, nous passions notre temps. Nous ne savons même pas pourquoi nous nous sommes enfin arrêtés. La vision d’une pierre qui roule au flanc de la montagne est bien désespérant, car la pierre ne cesse pas sa course volontairement.

Cependant, nous sommes à Nice ; je commence à m’occuper à la Franco-Film dès cette semaine ; nous avons trouvé un appartement et nous pensons pouvoir nous marier bientôt. Ici, je dois marquer ma tristesse d’avoir été contraint d’écrire : nous pensons pouvoir nous marier bientôt. Des différences administratives se sont dressées face à nos projets. Et vous voudrez bien, Madame, que je me confie à vous et que je vous demande peut-être aide et conseil.

Lydu est entrée fin 1926 en France. En Suisse, où elle faisait ses études il lui avait été délivré un passeport visé pour trois mois. Or Lydu s’est alitée pour deux ans à Font-Romeu et ne s’est jamais occupé de son passeport durant tout ce temps. D’où situation irrégulière depuis deux ans et difficultés actuelles pour obtenir une carte d’identité absolument nécessaire pour notre mariage. Un journaliste ami m’a adressé ici au chef du cabinet du préfet, mais rien à faire. Il a fallu faire une demande spéciale sur papier timbré au Ministre de l’Intérieur. Nous risquons dès lors de n'obtenir une réponse que dans quatre ou six semaines. Voilà qui complique notre situation. Peut-être pourriez-vous, Madame, trouver un moyen pour hâter cette procédure et obtenir que l’on donne par dépêche à la préfecture de Nice, l’autorisation de délivrer un récépissé suffisant pour les formalités du mariage. La demande de Lydu a été déposée aujourd’hui auprès du commissaire spécial et porte le numéro d’ordre 9081. Un certificat de séjour rédigé par le Docteur Cappelle de Font-Romeu et légalisé par la mairie d'Odeillo [Font-Romeu-Odeillo-Via] est joint à l’envoi.

Je m’excuse, Madame, de vous raconter mes petits ennuis qui durent, mais je vois ma fiancée si fatiguée ces derniers temps que je me permets de vous déranger, puisque vous l’aimez bien aussi.

Maintenant, je me sens plus à l'aise pour vous remercier de votre pressante recommandation auprès de Madame Germaine Dulac. Après une demande de service, les renseignements concernant un service passé, semblent moins définitifs. Et mes remerciements ne doivent jamais sembler définitifs avec vous, Madame, qui faîtes le bien dans mon âme.

Madame Germaine Dulac m’a reçu chez elle, à Paris, très cordialement. Ses propos et son attitude respiraient la sincérité et je fus bien heureux de la rencontrer. Elle sera mon plus sûre soutien à la Franco-Film - où elle connaît tout le monde - et où je viens d’entrer grâce à Claude Autant-Lara [le réalisateur Claude Autant-Lara (. Mais là les « équipes » se font et se défont constamment et Madame Germaine Dulac me sera du plus grand secours. Je dois lui écrire - ainsi qu’elle m’en a prié pour lui exposer clairement ce que je sais faire et ce que je veux faire. Madame Germaine Dulac sera bénie par moi doublement, puisqu’elle me permettra de vous devoir encore beaucoup plus de reconnaissance. Ah ! Madame. Quand vous reverrons-nous ? Vous n’êtes pas si loin de nous et vous nous avez promis de nous rendre visite. Il fait beau. Nous vous aimons. Alors ? Encore une fois merci. Mes excuses. Lydu dort et je suis sûre qu’elle rêve de vous, tout son visage est serein".

La Franco-Film était une société de production cinématographique française. Elle fusionna ensuite avec les Établissements Louis Aubert pour former l'éphémère Aubert-Franco Film, puis avec la Société des Établissements Gaumont pour devenir la GFFA (Gaumont-Franco Film-Aubert) en 1930.

Jean Vigo réalisa deux films devenus cultes : Zéro de conduite (1933) et L'Atalante (1934).

Il mourut à l'âge de 29 ans et Lydu à 33 ans. Ils avaient tous deux contractés la tuberculose. Ils laissèrent une fille Luce Vigo.

2500,00

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