Pierre Louÿs, convalescent, accepte à contre-coeur d’adapter Aphrodite au théâtre
Pierre Louÿs (Gand, 1870/1925)"Peut-être pourrons-nous bientôt nous écrire comme autrefois. Ma vue a fait de réels progrès : tu le vois à mon écriture qui diminue. Je puis enfin lire sans loupe quelques lignes de livres ou de journal et je me retrouve au point où j’étais quand je suis revenu d’Arcachon. J’aurai donc mis six mois (novembre–avril) a regagner tout ce que j’ai perdu pendant le seul mois d’octobre, pendant… l'erreurs de traitement. Aussi, je me suis remis à faire des projets et je suis en pourparlers pour deux pièces :
1° Apollon. Drame lyrique pour le nouveau théâtre des Champs-Élysées. C’est un singulier projet d'Astruc, qui voudrait inaugurer par là la grande scène en construction avenue Montaigne. La pièce serait mise en musique par « tous les musiciens français » (en principe), chacun faisant une part de la partition dont je serais le seul librettiste.
2° Aphrodite, drame. C’est une proposition qu’on me fait et au sujet de laquelle, j’hésite encore, bien que tout soit presque conclu. J’ai de grandes préventions à la fois contre l’entreprise théâtrale qui me sollicite et contre l’adaptateur qui se présente, mais je crois que je vais être obligé de consentir. Il faut que Louise quitte Paris, il faut qu’elle se soigne par un nouveau séjour prolongé à la campagne et je n’ai pas le droit de mettre mes scrupules littéraires avant cette considération-là. Je serai forcé d’accepter le seul moyen matériel qui s’offre. Ce sera, en tout cas, sans aucun enthousiasme pour le projet. Dorénavant tu peux m’écrire. Je lis seul toutes mes lettres, pourvu que les lignes ne soit pas trop serrées. Et tu serais bien gentil de causer un peu avec moi de temps en temps maintenant que nous avons le téléphone entre Tournon et Boulainvilliers, les nouvelles que tu me donnerais seraient transmises immédiatement et Paz ne serait pas inquiète si elle restait un jour sans lettre. Ce téléphone est une joie pour nous. Paz et Louise s’en servent toute la journée. Bobbie demande le 642–00, à 8h1/2 du matin et Lull crie toutes ses petites tendresses chaque fois qu’elle peut se faire donner l’appareil.… Allons, voici la plus longue lettre que j’aie écrite depuis bien des mois. J’ai toujours mes lunettes noires et je ne vois encore rien qu’à travers un voile d’éblouissement, mais il me semble que je ressuscite. Je t’embrasse de tout cœur".
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