Longue lettre de Guillotin, président de l’Académie de Médecine, proposant des assemblées à l’Oratoire du Louvre
Joseph Ignace Guillotin (Saintes, 1738/1814)Longue supplique de Guillotin, alors Président de l'Académie de Médecine, adressée à Paul-Henri Marron, Président du Consistoire réformé de Paris :
"Monsieur le Président. Je suis chargé par ma compagnie de présenter au Vénérable Consistoire l’hommage de ses sentimens de reconnoissance, de lui adresser des remerciemens de la complaisance, qu’il a eu de lui permettre provisoirement de tenir ses assemblées dans la salle de l’Oratoire, qui étoit le lieu ordinaire de ses séances, et de lui demander la continuation de ses bontés. Heureux d’être en ce moment l’organe de l’Académie de médecine, je me félicite, Monsieur, d’avoir à adresser l’expression des sentimens d’estime et de vénération, qui m'ont toujours animé moi-même, pour le respectable Consistoire et pour son digne Président.
L’Académie de médecine est composée, Monsieur le Président, de tout ce qui nous reste encore de l’ancienne faculté de Paris, et d’un nombre de Docteurs reçus dans d’autres faculté de Médecine de France, qu’elle a choisis et aggrégés pour travailler en commun, pour la plus grande utilité publique, au progrès de l’art de guérir, et au maintien de la dignité de cette honorable profession, si dégradée de nos jours par l’anarchie. Cette compagnie se réunit en assemblée générale, deux fois par mois, le 2e et le 4e jeudi, depuis deux heures, jusqu’à quatre. Elle donne de plus, une fois chaque semaine, et aux mêmes heures, par une commission de six de ses membres, des consultations gratuites à tous les malades qui se présentent. Cette réunion, Monsieur, qui n’entraîne rien d'incommode pour personne, nous paroît pouvoir aisément se concilier avec le service du Consistoire, et de son église, qui ne s’assemblent pas les mêmes jours que l’Académie. D’ailleurs, si il y avoit une concurrence, comme cela est arrivé par extraordinaire, jeudi dernier, à cause de la fête de l’Ascension, qui, cette année, s’est trouvée être le 4e jeudi de mai, l’Académie ne tiendroit pas de séance ce jour là, et la remettroit à un autre jour. L’expérience nous a montré que tout cela était d’une facile exécution.
Pour vous faire bien connaître l’Académie de Médecine, Monsieur le Président, son régime, son esprit, et l’utilité dont elle peut être, et pour vous mettre par conséquent, à portée de savoir si elle mérite la faveur qu’elle sollicite, je joins ici le tableau des membres qui la composent, un exemplaire des statuts et des règlemens sous l’empire desquels elle existe, et une copie de l’honorable approbation donnée à ses loix par le Gouvernement. La lecture de ces pièces vous en apprendra plus que je ne pourrois vous en dire ici, et vous mettra mieux à même de prononcer.
Sans doute, Monsieur le Président, la vue des Pasteurs, leurs moyens, leur but, sont d’un ordre supérieur. Mais, Monsieur, un même sentiment nous anime, vous et nous ; un même esprit nous dirige. C’est essentiellement l’amour du bien public, l’amour du prochain, et un zèle aussi pur, aussi désintéressé qu’il est ardent, nous porte au soulagement de nos frères, surtout quand ils sont dans l’indigence. Le principe est donc le même. L’application seule varie. Les différentes applications de ce même principe ne pourroient-elles pas être réunies dans le même lieu ? Et l’homme ne seroit-il pas plus heureux s’il pouvait puiser, pour ainsi dire à la même source, et des adoucissemens aux maux de cette vie, et des secours puissans pour se procurer les biens de l’autre ? D’après toutes ces considérations, Monsieur le Président, nous prions le vénérable Consistoire d’avoir la bonté de permettre à l’Académie de Médecine de Paris, approuvée par le Gouvernement, de continuer de s’assembler à l’Oratoire, aux jours et heures qui voudra bien indiqué. Daignez, je vous en supplie, Monsieur Le Président, appuyer notre demande, et agréer l’hommage de mes sentiments d'estime respectueuse. Guillotin".
Paul Henri Marron était Pasteur de Paris et venait d'être désigné Président du nouveau Consistoire (1811).
Il est joint un portrait gravé.
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