REF: 11630

Les ballons de l’Abbé Miolan et des Frères Robert

Type de document : lettre autographe signée

Nb documents : 1 - Nb pages : 4 pp. - Format : Grand in-folio et in-4

Lieu : Paris

Date : 31 juillet 1784

Destinataire : Sans

Etat : Pliures et petites déchirures.

Description :

Lettre autographe signée de Jean Delay, adressée à des amis de Brûlon, dans la Sarthe. Elle contient le récit de deux expériences : la tentative de décollage du ballon de l’Abbé Miolan, dans le jardin du Luxembourg et le décollage réussit d'un second ballon, quelques jours plus tard, dans le parc de Saint-Cloud, par les Frères Robert et en présence du roi de Suède. Ratures et corrections.

Exceptionnel récit par un témoin oculaire de la malheureuse expérience d'ascension de ballon de l'Abbé Miolan au Jardin du Luxembourg le 11 juillet 1784.

"[...] On continue toujours à Paris l’expérience des ballons. On cherche actuellement les moyens de se diriger et d’aller contre le vent. Jusqu’à présent les tentatives ont été inutiles. Deux physiciens dont l’un se nomme Mr l’Abbé Miollan [sic] et l’autre Mr Janinet (ce dernier est plus habile graveur qu’habile physicien) ont ouvert une souscription à 3 et à 6# le billet pour l’expérience d’un ballon qui devait avoir 120 pieds de hauteur 24 de diamètre et 264 de circonférence. Le ballon construit, on donne avis au public du jour et du lieu de l’expérience qui a eu lieu le 11 juillet au jardin du Luxembourg. Les souscripteurs seuls avaient droit d’y entrer. Presque tout Paris se rend sur les nouveaux boulevards pour être spectateur. Le journal avait annoncé l’expérience pour midi précise. Deux heures se passent, on ne voit rien s’élever du Luxembourg. On s’informe de la cause du retard, on apprend que le feu a pris au ballon et que l’expérience ne peut pas avoir lieu. Les deux physiciens décampent pour se soustraire aux coups de la populace irritée. A 3 heures j’entre dans le Luxembourg, je m’approche du ballon, j’entre dedans, la trop grande chaleur m’empêche d’y rester plus de deux minutes. Je me retire. J’étais à peine à vingt pas du ballon que la populace s’anime, se jette dessus, le met en pièce, brise la galerie où devaient se mettre les voyageurs aériens, y met le feu et brûle pour 7 ou 800# de planches qui formaient l’enceinte où devait être placés les souscripteurs. Lors du tumulte il y avait à peu près 20000 personnes dans la place. Le Commandant du Château, chevalier de Saint-Louis arrive pour apaiser le tumulte. La populace se moque de lui et l’oblige de se retirer. Le gué à cheval au nombre de 24 hommes vient de la part du Commandant, la populace attroupée autour de lui le hue. Un polisson ose jeter des pierres, on s’en saisit. On le menait en prison lorsque le gué voyant le peuple irrité, se voit forcé de le laisser aller, et ne se trouvant pas assez fort pour apaiser le tumulte ou plutôt pour prévenir une révolte prête à éclater, demande du secours. On lui envoie 60 ou 80 hommes d’infanterie. Mais il n’était plus temps, la populace venait de décamper : ballon, galerie, 100 fagots, tout était devenu la proie des flammes. Tout était tranquille. Tout ce que je vous écris, je l’ai vu de mes propres yeux. Je ne suis sorti du Luxembourg qu’à 7 heures du soir, bien décidé, comme vous devez bien penser, à ne me point mettre de la partie en cas de révolte. Le lundi 19 juillet à 8 heures précises du matin dans le Parc de Saint Cloud Monseigneur le Duc de Chartres et Messieurs Robert frères ont enlevé un ballon en présence du Roi de Suède qui est à Paris depuis 6 semaines, et de toute la Cour. Le tems étant couvert, on les a perdus de vue au moins de 3 minutes, quoique le ballon fût très gros. Comme dans le gros ballon il y en avait un petit rempli d’air atmosphérique, le petit ballon a crevé. La soupape qui était attachée au gros, ayant été dérangée la veille, avait été assez mal remise, de sorte que les physiciens avaient beau tirer la corde qui y était attachée, la soupape ne baissait pas. D’ailleurs l’enveloppe du 1er ballon bouchait l’ouverture à laquelle la soupape était adaptée, et par laquelle l’air inflammable qui était dans le premier ballon pouvait s’échapper. Comme le gros ballon se tendait et que les voyageurs craignaient l’explosion, et qu’ils voyaient leur vie en danger, ils prirent le parti de faire une ouverture au ballon avec un de leurs drapeaux qui étaient ferrés au bout. Il s’y fit une ouverture de 7 à 8 pieds qui accéléra la descente du ballon qui quoique rapide, se fit sans aucun accident. J’oubliai de vous dire qu’au moment de l’enlèvement du ballon, le public éloigné demanda à grands cris, que ceux qui en étaient le plus près s’agenouillassent pour leur laisser la liberté de voir. Personne ne se refusa à la justice de cette demande, hommes et femmes, grands et petits, mirent un genou en terre, et cette circonstance acheva le tableau le plus extraordinaire qui se soit jamais vu : le ballon au milieu de cette foule ainsi prosternée s’éleva avec lenteur et se perdit, comme je l’ai dit plus haut, en 3 minutes dans les airs [...]".

Les frères Robert, Anne-Jean Robert (1758-1820) et Nicolas-Louis Robert dit Marie-Noël Robert (1760-1820), ingénieurs et aérostiers

Encre brune sur deux feuillets de papiers vergés. Le premier est filigrané "D&C BLAUW".

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