REF: 11512

Important témoignage sur la Commune

Type de document : manuscrits autographes signés

Nb documents : 2 - Nb pages : 10 pp. 1⁄4 in-4 et 11 pp. 1⁄2 in-8 - Format : In-4 et in-8

Lieu : Paris

Date : 14 avril - 13 mai 1871

Destinataire : Sans

Etat : Pliures centrales

Description :

Deux manuscrits autographes signés de Sébastien Millault (1809-1896), curé de Notre-Dame de Bonne Nouvelle puis de Saint-Roch, à Paris, durant la Commune. Ratures, ajouts et corrections.

Beau et précieux témoignage de l’abbé Millault relatif aux évènements de la Commune tels qu’il les a vécu.

Arrêté par les communards et mis en prison à Montmartre le 14 avril 1871, comme beaucoup d’autres religieux, Millault eut la chance d’en sortir.

Il évoque la prison, la population peu vindicative (un garde montre des signes de respects pour l’abbé et ses confrères), le « tribunal » de la Commune ainsi : « Là [à la Préfecture] j’ai vu pour la première fois de ma vie un ensemble de figures si sinistres, si féroces, si brutalement vicieuses que j’eus une image saisissante de 93 ou plutôt de l’enfer ».

Sur Raoul Rigault, anticlérical, responsable des arrestations d’otages : « Il se conduisit à mon égard avec politesse, il m’appela M. le Curé, me dit que mon arrestation avait été illégale et me demande pourquoi je m’étais laissé arrêté sans demander la présentation du mandat d’amener. Je répondis que la demande avait été faite, mais que pour toute réponse le Commissaire du Comité central avait tiré de sa poche un révolver armé ».

Il fut relâché le 15, subit une perquisition le soir même qui se termina à 1h du matin. Il mentionne aussi les dissentions entre la Commune et le Comité central dont le commissaire exprimait son indépendance vis-à-vis de la Commune. Il faillit être arrêté de nouveau le 19 avril, par un vieux fédéré.

« Quoique vieux moi-même j’étais plus fort et plus alerte que lui et je ne le laissais pas faire ». L’abbé Millault était en effet réputé pour sa santé et son dynamisme (jusqu’à un accident en novembre 1895 et deux attaques ensuite qui le clouèrent au lit, l’obligeant à abandonner sa cure début 1896). Ce premier manuscrit se termine ainsi : « J’espère pouvoir ainsi attendre patiemment le rétablissement de l’ordre ».

Le second manuscrit fut écrit quelques jours plus tard. Il est terminé le 13 mai 1871. Il reprend plus rapidement les évènements jusqu’au 19 avril.

Le 20 avril, les clefs de l’église Saint Roch furent rendues. L’église était saccagée, pillée. Le calme dura jusqu’au 5 mai quand on avertit l’abbé que « des gens devaient se présenter pour faire de [l’]église un club ». Etant allé voir le délégué de la Commune pour obtenir protection, il entendit un officier de la garde : « C’est la modération qui nous perd. Tant qu’on n’aura pas sept ou huit mille têtes roulées sur la place du Louvre, les choses n’iront pas bien ». Le 5 mai au soir, une foule importante était devant l’église pour empêcher la profanation. Le 6 mai, il écrit au délégué de la Commune, disant notamment : « Quant à apporter moi-même un concours quelconque à ce que je regarde comme la profanation de mon église, je me laisserai plutôt tuer ». Une pétition de plus de 3000 signatures dont tous les hommes importants de la paroisse fut apporté au délégué par MM Brun, ancien notaire, et Bois-Gauthiers, avocat, et le soir, « une multitude résolue de fidèles se plaçait dans la rue Saint Honoré, devant l’église ». Il fut emmené par un commandant, « l’épée nue », car il refusait de donner les clefs de l’église sans ordre écrit. Au Palais-Royal, on lui délivré ce document et alors : « je fus témoin d’une horrible scène, les portes intérieures étaient brisées avec fracas, les sépultures étaient violées, on faisant dans des linges malpropres des paques d’ornements que je retrouvais plus tard au Palais-Royal ». Ce fut ensuite le tour de son presbytère, il était deux heures du matin. Emmené à nouveau au Palais-Royal, il pensait aller en prison, on le raccompagna à son presbytère où il était « consigné jusqu’à nouvel ordre ». Le Maire vint le voir le dimanche 7, blâmant les violences et assurant qu’elles ne venaient « ni de la Mairie ni de la Commune mais du Comité central ». Le club était installé dans le bas de l’église et le maire avait interdit d’empêcher le culte catholique. L’abbé Millault organisa immédiatement les vêpres et les quelques personnes qui vinrent le soir pour le club furent découragées et ne revinrent pas. Le jeudi 10 mai furent célébrées en grande pompe les premières communions.

Une note supplémentaire, plus tardive, est ajoutée au dos de la 10e page avec une erreur dans les dates.

Encre brune et crayon à papier. Chaque manuscrit est conservé dans une enveloppe légendée et datée par Millault.

Vendu