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L’ancien sous-préfet d’Alger, Charles Le Myre de Vilers, analyse l’échec de la politique coloniale en Algerie

Charles Le Myre de Vilers (Vendôme, 1833/1918)
Premier gouverneur civil de Cochinchine (1879-1883), il organise l'annexion du Cambodge. Résidant général à Madagascar (1886-1889) et député de Cochinchine (1889-1902).

Type de document : lettre autographe signée

Nb documents : 1 - Nb pages : 3 pp. 1/2 - Format : In-4

Lieu : Paris

Date : 21/01/1907

Destinataire : "mon cher collègue"

Etat : plires

Description :

Longue et très intéressante lettre écrite après la lecture de l'ouvrage de M. de Peyrimoff, Les résultats de la colonisation française en Algérie, qui lui inspire quelques réflexions sur la politique de colonisation de la France en Algérie.

"D'après les analyses que vous en donnez dans les Questions diplomatiques et coloniales, je vois que l'intéressé persévère dans la déplorable doctrine de la colonisation officielle. Nous avons ainsi dépensé et nous dépensons encore des centaines de millions pour obtenir des résultats de plus médiocres. L'erreur provient de ce qu'au lieu de procéder automatiquement par tâche d'huile, par approche, nous avons voulu coloniser par essaimage, créant [...] des villages à 200, 300 kil. des ports d'importation, en plein pays arabes, sans voix de communication, sans appui moral, matériel et commercial, dans le but de constituer des points d'appui à notre domination. L'auteur de ce programme absurde, le maréchal Bugeaud peuplait les nouveaux centres de militaires aguerris et assurait ainsi la perpétuité du régime du commandant. L'Algérie se serait transformée en pays de marchés, afin de donner aux Algériens un semblant de satisfaction [...]. Le remède était pire que le mal [...]. Le but à atteindre était tout autre; il fallait maîtriser la terre. Warnin en eut la claire vision, mais le système qu'il préconisa et qu'il fit adopter, loi de 1873 sur la propriété individuelle, était pleine de périls [...]. A cette époque, j'étais directeur général des affaires civiles et financières ; j'estimai que le seul moyen de donner à la colonisation les terres qui lui étaient indispensables se trouvaient dans l'établissement d'un impôt foncier général appliqué aux européens comme aux indigènes, impôt assez modéré pour ne pas entraver la culture, mais assez élevé pour détruire les lati-tundia européens ou arabes. Il est certain que les donars qui n'exploitaient pas le dixième de leur territoire auraient vendu une partie de leur domaine [...]. Je me gardai bien de formuler mon projet qui aurait soulevé de féroces récriminations de la part des intéressés, mais profitant de la nécessité de construire des chemins de fer, je fis voter par le Conseil supérieur l'impôt foncier sur les terres européennes [...]". Il développe encore le récit de son action en 1879, et conclut. "Nous n'avons pas à nous vanter de notre oeuvre. Tout autre eut été le développement de l'Algérie si dès la première heure par un bon régime de la propriété foncière nous avions mis à la disposition des colons les terres avoisinant les villes de la côte. Au début, la solution était facile ; aujourd'hui, je le reconnais volontiers, la réalisation serait malaisée : trop d'éléments contradictoires entrent en lutte. Mais il ne faudrait pas transformer en doctrines les méthodes empiriques qui ont été suivies le plus souvent par ignorance des vrais principes ou à titre d'expédient improvisé".

En-tête de la Société de Géographie.

600,00

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