Longue lettre de Françoise de Graffigny toute consacrée à Voltaire, qui vient séjourner chez elle, et à Mlle Clairon
Françoise de Graffigny (Nancy, 1695/1758)Longue lettre de Françoise de Graffigny à son grand ami François-Antoine Devaux avec qui elle entretint une très longue et riche correspondance quasi journalière, échangeant avec lui toutes sortes de secrets.
Cette lettre, écrite dans un style orthographique qui lui est propre, est toute consacrée à Voltaire qui prend les eaux et vient séjourner chez elle, et qui semble s'être entiché de Mlle Clairon.
"O l’aimable homme, ah panpan quel plaisir de voir les plus beaux yeux du monde attaché à la tête du savant, le plus galant, du bel esprit, le plus unis, et du poete le moins sufisant, qui aye jamais été. Voilà ce que je pense de Voltaire, et il est tout cela en conversation venons an detail, j’ai donc dîné hier avec lui, [elle cite les différents convives dont son amant Léopold Desmarest]. Nous sommes resté ansemble jusqu’à l’heure de la Comédie, sience, histoire, belle lettre, poesie, tout a été sur le tapis, je n’avoit ny asses d’yeux ny asses d’oreilles, et pas plus de langue qu’il ne convenoit a une femme, d’en avoir, et dans tout cela on aurois jugé que Voltaire estoit celui qui cherchoit timidement a plaire. Qu’il est diferens de son temple du gout ; il loue tout, il a l’air d’etre l’inventeur de la politesse noble et galante, et il semble qu’il ne parle des siences que pour faire souvenir ceux qui l’écoutent de celle qu’ils ont, voilà l’homme avec qui j'espère vivre quelque temps, il devoit aller a Plombier [Plombières] mais il prend les eaux ici, et y demeure autant que Md de Richelieu c’est a dire trois ou quatre mois, son affaire est finie a Paris, il en viens, il a esté à la Comédie il a vu jouer a Clairon [l’actrice Claire Josèphe Hippolyte Léris dite Mademoiselle Clairon (1723-1803)] le role de la Soubrette dans L’Isle des esclaves [la comédie de Marivaux]. Il l’a fort louée, et il ne regrette plus que sa petite Claire, il fut la voir dans le poulailler qu'à Paris on nome foiers. Il débuta par lui dire qu'il n'avoit jamais pansé a faire Claire si jolie, et Clairon de ce defférer, et de lever les fesse : il veut lui apprendre jouer Mariamne [Hérode et Mariamne, tragédie en cinq actes de Voltaire écrite en 1724], enfin je crois qu'il ira jusqu'à la traiter en Gosin [Melle Gossin ?]. On crois bien que depuis mardi que tout cela c'est passé la comparaison de Melle Harmant devient plus impertinente.
Je suis au jeudi matin. Hier Voltaire devoit venir chez moi je l'attendit vainement, Mde de Richelieu ne sorti point ny lui consequament, nous devions dîner chez Cliot aujourd'hui, il plait à la francineti de traiter Mde de Richelieu le soir, et comme Voltaire ne fait qu'un repas, le dîner est remis au diable fanchon [reporté sans date] et son impertinence, enfin mon cher Abeau, il me semble que je rêve, Demaret et moi nous nous demandons a tout moment est il bien vrai que nous vivons avec cest homme et qu'il ne nous fait pas peur.
Clairon dine aujourd'hui chez son père pour savoir quelque chose elle viendra m'en rendre conte et je te l'écrirai ce soir, si tu etoit ici je me moquerois bien de lui pour te faire voir Voltaire, tu n'est pas obligé de sortir quand tu le trouvera chez moi, d'ailleurs il a été si bien reçu de Madame qu'il ne peut plus être regardé comme un proscrit dangereux pour la damnation viens toujour mon ami fait tout son possible pour cela, je seroi desesperée tout a fait si ce voiage manque.
La commission de la ? est très bien faitte la dame te remercie. Je crois mon cher panpan que tu prend bien de la part a mes peines tu n'a que faire de me le dire. Il faut que le mal soit bien profon dans mon coeur puisque le plaisir que j'espère ne m'aide pas la tristesse qui cest emparée de mon âme tu veras encore le Clefen mais il ne faut pas lui parler de ces malheurs il m'en a demander secret, bonjour à tanto.
Il est huit heur, j'ai passé la journée a [voir] expirer Clairon de fraieur entre les mains de Voltaire qui veut absolument en faire une actrice parfaite, le rendez-vous est demain chez moi a quatre heure [...]. Elle e été chez son père on ne te boude pas mais on crie contre Voltaire tu ne viendra qua la veste dieu j'en suis désolée bonsoir la poste part.
Ce jeudi soir. C'est le rôle de Marianne qu'on joue samedi".
La Clairon tint le rôle de Cléanthis, dans L'Ile des Esclaves à partir du 8 janvier 1736, à la Comédie-Italienne où elle débuta.
Françoise de Grafigny surnommait Devaux non seulement "Panpan" et "Panpichon", mais également "Abeau"et "Monsieur Je". Elle était une fervente amatrice des surnoms, qui variaient selon ses humeurs. Pour exemple, elle surnommait Mme Du Châtelet tour à tour « Dorotée », « Émilie », « la Nymphe de Cirey », « la Bégueule », « la Chimère », « l’Ennemie », « la Mégère » ou « le Monstre ».
Vendu






