Lettre politique de Sainte-Beuve à Blanqui sur sa condamnation et le gouvernement de Louis-Philippe
Charles Augustin Sainte-Beuve (Boulogne-sur-Mer, 1804/1869)Belle lettre politique après l'établissement du gouvernement de Louis-Philippe et la condamnation de Blanqui.
« […] Pour vous dire toute ma pensée, je crois que ce n'est pas directement que nous sortirons du plat régime où nous sommes et qui convient assez à un bon nombre d'estimables bourgeois. A moins de guerre extérieure prochaine, de coup de tête du Roi de Hollande ou d'un coup de pied de l'Empereur Nicolas, je crois que ce régime-ci aura son cours comme les précédents. La société dans les 3 jours est entrée en ébullition, en tension, il s'agissait de la refrapper, elle l'a été sur un mauvais type ; maintenant que ce métal impur s'est refroidi il est dur, et les dents les plus acérées se briseront […]. Je crois que ce qu'on a de mieux à faire […] c'est de se remettre aux idées et à ce feu lent et nourri qui finira, en gagnant peu à peu, par réduire en liquéfaction notre mauvaise statue […]. Je voudrais, après les vexations indignes dont vous et vos amis ont été victimes […] vous eussiez assez de dédain pour ce qui est de l'attaquer, non plus directement et à bout portant, mais par des travaux soit purement politiques, soit historiques et philosophiques, auxquels votre talent est si propre et où votre énergie ne serait pas déplacée. Je voudrais voir de vous quelques histoires ou du moins, puisque vous voilà confiné loin des livres, quelque production philosophique et politique qui ait quelque portée générale & où vos dents, vos désirs, vos rêves de liberté et de bonheur pour les hommes soient consignés avec aussi peu de lumière directe & autant de mépris silencieux que possible. Quant aux heures décisives où l'action est un devoir et où toutes les facultés générales se déploient dans une sublime ivresse, elles reviendront, je le crois, mais ce n'est pas demain encore ».
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