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3 longues lettres de Tahar Ben Jelloun sur le Maghreb et ses reportages pour Le Monde
Tahar Ben Jelloun (Fès, 1947/)Écrivain, poète et peintre franco-marocain. Auteur de romans, de poèmes et d'essais, il fut lauréat du prix Goncourt pour son roman La Nuit sacrée.
Description :
Belle correspondance de Tahar Ben Jelloun au journaliste Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, grand spécialiste du monde arabo-musulman, notamment pour Le Monde. Écrite à l'époque où lui-même travaille pour Le Monde, après son arrivée en France.
- Paris, 11 février 1975. "Mon cher Jean-Pierre. Je te transmets telle quelle la conversation que j’ai eu avec [Jacques] Fauvet [directeur du Monde] à ton sujet". Ben Jelloun retranscrit cet échange, sous forme de dialogue, au sujet de son activité journalistique en Egypte. "Suit une tirade que seuls les poètes savent faiseur ce que je pense de ton travail et de ce que j'entends autour de moi. Fauvet est ravi. Il m'avait demandé de venir le voir et m'a félicité our mon reportage. Je pensais qu'il allait me proposer un petit salaire fixe qui rendrait mes fins de mois un peu plus roses. Mais il m'a dit qu'il allait bien me piger ces papiers. J'aimerais bien ne plus travailler à la pige. C'est parfois démoralisant. J'attends de voir Viansson pour lui en parler. J'ai reçu une lettre de 8 pages (adressée à Fauvet) où il n'y a que des injures. Elle me vient du pays bien aimé l'Algérie de mes cauchemars. Les Frères musulmans ne chôment pas. Mais il parait que le reportage a fait sensation à Alger où tout l émonde en parlait. On va peut être publier une réponse [...]".
- "Entre Lausanne et Paris, 7 mars 1975 : "Mon cher Jean-Pierre. La Suisse, malgré sa tristesse et son ennui est bien reposante. J’ai donné hier à Vevey une conférence : la femme maghrébine : un corps censuré, une parole étouffé. Un public intéressant. Pendant mon séjour à Lausanne, chez mon ami R. Jaccard, j’ai fait la connaissance d’un ancien ministre algérien exilé : M. Boumaza. Un homme qui a beaucoup de qualités. Les papiers de Balta sur le Maroc sont très médiocres. C’est toi qui aurais dû faire cette série (je t’aurais pardonné ton amour aveugle pour la dynastie !). Hélas, ce n’est pas du journalisme que de mettre bout-à-bout avec quelques phrases de transition, les déclarations des uns et les remarques des autres. C’est aussi l’avis de M. Boumaza qui trouve que Balta est l’agent des Algériens. Ta signature se fait rare ! Etais-tu en voyage ? La Mecque/un cauchemar qui me poursuit… J’ai écrit une lettre ironique à cette salope de Jacques Chapus. Le Monde ne veut pas porter plainte. J’ai aussi écrit une lettre de protestation à une autre ordure : la Revue officieuse de Tunisie : dialogue qui a repris in extenso le 3e papier. J’ai reçu la pige de la Mecque : quelque choc ! Quelle amertume ! [...]". Tahar Ben Jelloun évoque ensuite les rémunérations pour la rédaction d’articles et conclut : « Après ça, je n’ai plus tellement envie d’écrire".
- Paris, 13 mars 1975. "Depuis mon retour de Suisse, je ne me consacre qu’à une seule chose : la thèse [de son doctorat de psychopathologie sociale], que j’ai une joie à écrire. En fait je suis en train de terminer, et plus j’avance vers la fin, plus une certaine angoisse me prend à la gorge. Il y en a un problème déontologique : de quel droit vais-je rendre public des confidences de patients qui n’ont même pas la possibilité et le loisir de me lire et me contester ? Est-ce que je leur rends service en faisant ce livre sur leur misère ? Vais-je vivre en parasite sur leurs blessures, peut-être gagnerais-je de l’argent là-dessus ? C’est un problème que le poète qui se tait en ce moment en moi, ne connaissait pas avant. J’en ai parlé tout à l’heure avec Genet. Il m’a dit : Freud a bien rendu public des analyses ultra critiques… En tout cas, je compte m’expliquer clairement dans un avant-propos. Je pense que le manuscrit sera prêt avant mai [...]".
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