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Beau texte de Pierre Messmer en hommage à Malraux

Pierre Messmer (Vincennes, 1916/0)
Ministre des Armées (1960-1969), député et conseiller général de la Moselle (1968-1988), maire de Sarrebourg (1971-1989). Membre de l'Académie française (1999).

Type de document : tapuscrit signé

Nb documents : 1 - Nb pages : 2 - Format : In-4

Lieu : Sans

Date : [1985, d'après le cachet postal]

Destinataire : Sans

Etat : bon

Description :

Beau texte de Pierre Messmer, témoignant de son compagnonnage avec Malraux.

"Comme beaucoup d'hommes de ma génération, j'ai connu Malraux, dans les années trente, par ses livres. La Condition Humaine, les Conquérants, l'Espoir, offrent l'image d'un monde plein de révoltes, impitoyable, où les héros les plus lucides sont broyés par les événements. Malraux, le premier m'a donné conscience que l'histoire est tragique. Bientôt, la guerre allait en apporter la démonstration".

Il témoigne de la fascination de Malraux pour la mort : "un incroyant hanté par l'idée de la mort, fasciné par ce qui, dans la peinture ou la sculpture de son Musée Imaginaire, ouvre une fenêtre sur l'éternité". Il évoque ensuite leur collaboration durant neuf ans, au sein du gouvernement du général de Gaulle. "Tous les mercredis nous nous retrouvions au Conseil ; assis à la droite du Général, Malraux n'intervenait que sur de grands sujets et pour faire le récit un peu romancé de ses voyages à l'étranger. Dans les repas officiels, il arrivait que le protocole nous plaçât l'un auprès de l'autre. A dessein, il orientait alors la conversation vers la guerre ; il mettait quelque coquetterie à rappeler qu'il était Colonel de réserve, avait commandé la brigade Alsace-Lorraine en 1944 [...]. En réalité, ni la stratégie ni la tactique ne l'intéressaient vraiment et il montrait peu de prétention à y exceller. La guerre le passionnait parce qu'elle place les hommes et d'abord les soldats, face à face avec la mort. Sur ce sujet, sa curiosité était inépuisable. Un jour, ayant appris je ne sais comment, que j'avais été sur le point de mourir de soif dans le désert, il m'interrogea longuement sur mes souffrances, mes pensées à ce moment-là, pour m'expliquer en forme de conclusion qu'il existe deux manières de mourir entièrement différentes, selon que la mort vous ronge de l'intérieur comme un cancer ou vous frappe de l'extérieur, portée par une balle, un éclat d'obus ou dans le fracas d'un accident. Je suis sûr qu'il avait rêvé d'une mort solennelle, au combat. Ce rêve, avec bien d'autres, n'a pas été exaucé".

Sur feuilles à son en-tête. Enveloppe jointe (en-tête de l'Assemblée nationale).

Vendu