REF: 13708

Touchante lettre de résignation littéraire de George Sand, écrite l’année de son décès

George Sand (Paris, 1804/1876)
Romancière française.

Type de document : lettre autographe signée

Nb documents : 1 - Nb pages : 4 - Format : In-8

Lieu : Nohant

Date : 19/02/1876

Destinataire : "Mademoiselle" [la romancière Cécile Trouessart (1845-1919)]

Etat : bon

Description :

Superbe lettre, l'une des dernières de George Sand. Elle répond à Cécile Trouessart, la décourageant de poursuivre une carrière dans les lettres, lui expliquant la situation de l'édition littéraire et la politique des éditeurs.

"Votre lettre mérite certainement une réponse, car elle est très belle et très bonne [...]. Mais je voudrais vous seconder dans vos désirs et peut-être m'en voudrez-vous si je vous dis la vérité. Il faut pourtant que je ne vous trompe pas. C'est un devoir.

La littérature vous créera bien difficilement et peut-être bien tardivement les ressources que vous rêvez. Je connais bon nombre de personnes éminentes ou distinguées que j'ai aidées de tout mon pouvoir et qui ont échoué. A présent je suis très âgée et il m'est impossible de lire les manuscrits qu'on m'envoie sans cesse. Il y a une concurrence dont vous n'avez pas d'idée. Le nombre des personnes qui veulent et qui savent écrire augmente en raison de l'indifférence du public et de la méfiance des éditeurs. Les recommandations sont absolument inutiles. Aucun éditeur ne risquera son argent pour une publication d'essai, car il a des frais à faire lors même qu'il ne paierait pas l'auteur. Si vous lui reprochez de ne pas servir la littérature en marquant cette méfiance, il vous répondra : je suis commerçant et ne me pique pas de poésie. Vous voyez pourtant paraître des bluettes qui n'ont pas grande valeur. Soyez certaine que les auteurs de ces bluettes en ont fait les frais.

Voilà la situation que je vous explique brutalement car le fait est brutal. J'ai passé ma vie à vouloir conjurer ce fait dans l'intérêt de personnes très dignes de ma sollicitude et j'ai toujours échoué.

Si malgré tout vous persistez à tenter cette voie si dure, je vous exhorte à bien étudier la langue. On ne le sait jamais assez, et c'est par là surtout que les ouvrages de femmes sont exposés à la défaveur. Je regrette de n'avoir pas de meilleures espérances à vous donner.

Croyez bien que je voudrais vous ouvrir le chemin et que j'y ferais mon possible s'il y avait un possible. Il n'y a qu'une chose certaine si vous faites une oeuvre selon vous excellente, envoyez la à une revue ou à un journal quelconque. Si ce n'est pas bon, on ne vous répondra pas. Si c'est réellement remarquable, soyez sûre qu'on vous répondra favorablement. C'est une question d'intérêt personnel et nulle influence pour ou contre vous, n'y pourrait rien changer. A vous de coeur".

Lettre n°17746 de la Correspondance de George Sand publiée par Georges Lubin.

En-tête gaufré à son chiffre "GS"

Vendu